18 février : Se saluer de la tête

Cher lecteur. Le titre de cette journée aurait pu être beaucoup plus péjoratif, mais j'ai choisi de mettre l'accent sur la panoplie de belles expériences que j'ai vécues aujourd'hui, et de ne pas m'apitoyer sur mon sort. Tu verras. Je commence ma journée par me réveiller. Robert California dirait de ne jamais commencer à raconter une journée par ce fait qui est le même pour tous les humains ayant jamais existés sur cette Terre, mais je vais me permettre quand même. On a profité un peu davantage de notre lit ce matin, puisque la journée est moins remplie aujourd'hui qu'elle l'était hier, et qu'il s'agit d'une journée un peu stressante à cause de notre changement d'hébergement et de la récupération de la voiture plus tard aujourd'hui. Le déjeuner est à nouveau assez copieux, on se force à manger le plus possible pour commencer notre journée le ventre bien plein. Le plus tard on dînera, le mieux! Optimisation de temps, d'argent et d'espace intestinal, quoi de mieux!

De retour à notre chambre, on commence à refaire nos valises tranquillement. Il me reste un objectif important avant notre départ de 11h, celui d'utiliser la piscine au-dessus de l'hôtel. Mon ami Christophe le sait, je n'ai pas d'excuse pour ne pas sauter dans les plans d'eau que je vois. J'ai décidé que ça incluait les piscines! Je me change donc et part avec ma photographe attitrée pour le 7e étage, pour rencontrer la piscine qui venait tout juste d'ouvrir, avec quelques travailleurs encore occupés à nettoyer le toit (il a plu très fort cette nuit, il faut donc enlever les éventuels débris). On profite donc du toit quelques instants, et de la vue toujours aussi magnifique. Cadeau du ciel, un arc-en-ciel se présente à nous. Je finis par me décider à me baigner, malgré les avertissements du travailleur de l'hôtel qui me dit que l'eau sera froide. Je me dis oui, mais à quel point peut-elle vraiment être froide. Réponse? Froide. Pas "fjord-norvégien" froide, mais froide. Bon, on n'a pu s'empêcher de cadrer le tout avec l'arc-en-ciel, pour donner une photo digne d'un étudiant motivé ayant Photoshop et l'IA à sa disposition.
Du reste de la matinée, c'est essentiellement de poursuivre à faire les valises puis de signaler notre départ à la réception, qui accepte gentiment de garder nos valises pour la journée. Notre réservation d'auto n'est qu'à 18h30, donc on profitera de notre dernière journée à Funchal pour boucler les derniers trucs qu'il nous reste à voir. Avant de se lancer vers la ville, on fait un petit détour repérage pour s'assurer d'avoir le bon arrêt d'autobus vers l'aéroport à notre retour tantôt. En fait, c'est là qu'on va récupérer notre voiture. Le repérage nous satisfait, même si on voit un bus passer à l'arrêt sans s'arrêter. Conclusion : comme à plusieurs endroits en Europe, il va probablement falloir faire signe au chauffeur pour qu'il s'arrête. Bon. Avec un peu d'incertitude et une relative confiance, on descend la ville vers le bord d'océan en passant par un mini parc mignon et plein de verdure (si on omet les gens qui dorment sur les bancs). Le bord de mer restait relativement peu exploré, cher lecteur, surtout vers l'est de l'île. On décide donc de marcher sur le bord de l'eau, via un genre de promenade en béton construite exprès. Évidemment, avec le soleil et la brise marine, c'est difficile de demander mieux comme température. On s'avance sur certains segments qui s'éloignent de la rive, d'abord celui avec une tour de type phare, puis sur un autre, où on finit par s'étendre et se prélasser une bonne demi-heure. En voulant sortir mes jujubes pattes de poulet, j'en échappe et on en profite pour faire une petite mise en scène, en se disant que les mouettes les mangeront. Fun fact (loi 101: fait amusant), on n'a justement vu aucune mouette, nulle part. Serait-il possible que l'île soit exempte de ce fléau? Allez savoir. 

Après notre pause grillade au soleil, on reprend le chemin de la côte pour aller visiter une vieille forteresse des années 1650, en bordure de mer, et dont l'entrée est gratuite. Ce n'était mentionné nulle part! Aucun guide, aucun top 10, et c'est pourtant un très bel endroit à visiter, avec les points de vue sur la mer que nous fournissent les quelques toits. Bon, elle n'est pas en super état, mais ça fait de belles photos. On y passe probablement une bonne trentaine de minutes à faire nos modèles. 
Mon estomac commençant à demander sa part, on quitte la forteresse pour continuer le long de la rive, histoire de voir si on ne trouverait pas quelque chose pour manger. Comme de fait, quelques pas plus loin, on voit d'abord une statue de chat sur le bord de l'eau (qu'on ne photographie pas: ma tante n'aime pas les chats), puis on s'installe à un petit café où je commence un Poncha, cocktail traditionnel de l'endroit, ainsi qu'une sandwich au fromage frais. Bon, on ne fera étoile Michelin ni avec le cocktail, ni avec le sandwich, mais l'ensemble était plus bon - accent mis sur le cocktail. Pour dessert, j'ose me commander un dessert, brownie avec crème glacée saveur fruit de la passion. D'ailleurs, si je ne l'ai pas encore dit, le fruit de la passion est assez central ici - on en trouve aussi dans le Poncha! Malheureusement, la crème glacée n'étant plus en stock (après même que le serveur ait vérifié s'il restait des brownies), j'ai préféré ne pas prendre de dessert. 5 euros de plus dans mes poches! Pop s'installe ensuite sur un banc en bordure d d'océan pour manger ses provisions dinatoires - mention spéciale à son yaourt mangé avec sa paille de bouteille d'eau, subsitut à la cuiller qu'on ne trouvait plus.

On continue à se promener dans les petites rues pour observer terrasses, statues et drapeaux jusqu'à environ 14h30, moment où, après que Pop ait découvert que les toilettes de la marina étaient payantes et qu'elle ait choisi de ne pas les encourager, on se rend compte que notre réservation d'auto à 18h30 est bien loin pour ce qui nous reste à voir ici à Funchal. Bon, qui ne tente rien n'a rien. On prend la direction de l'hôtel pour récupérer nos valises, puis on attend un peu plus que prévu à l'arrêt de bus pour prendre tout de suite le transport vers l'aéroport. Notons que mon incompétence à ouvrir une soute à bagage d'autobus voyageur motivera le chauffeur à sortir du bus pour nous dire d'y entrer avec nos bagages. Je soupçonne la soute à bagage d'avoir été verrouillée; on ne le saura jamais. 

Hormis les vues splendides que nous offre à nouveau le trajet sinueux en autobus, je remarque quelque chose que j'essaie de remarquer chaque fois que je voyage. Comment se saluent les chauffeurs d'autobus quand ils se croisent? Dans certains pays, on fait un signe de la main. J'ai aussi vu des pouces en l'air. Eh bien, au Portugal, on se salue d'un bref signe de la tête. Minimal, élégant. J'aime.

L'arrivée à l'aéroport est synonyme de test d'orientation et de résilience. L'orientation, c'est pour trouver le comptoir des voitures de location. La résilience, c'est plutôt pour faire face à l'agente de location, qui m'explique que même si ma carte de crédit couvre les dommages à la voiture, c'est très probable qu'elle ne couvre pas les dommages à une éventuelle autre voiture dans le cas d'un accident. Bon. Je sors mon contrat d'assurance sur internet, je vérifie, je ne vois rien qui mentionne une assurance tierce partie ou de responsabilité civile. J'abdique, on paye 103 euros pour l'assurance. Ce sentiment magique de savoir qu'on se fait avoir, j'adore. Autre fait curieux, la dame cherche sur mon permis la date originelle d'obtention de mon permis de conduire. Il semble qu'en Europe, cette information est écrite au dos du permis et permet de vérifier le nombre d'années d'expérience total d'un individu en termes de conduite. On n'a pas, au Québec... Je lui dis donc verbalement, ça semble la satisfaire. Et puis, elle ne m'a pas facturé de frais pour jeune conducteur, donc ça a dû la satisfaire

Une fois dans le stationnement des autos de location, on rencontre le monsieur qui nous prêtera dite auto. Sauf l'idée de nous dire que l'auto est dans un espace de stationnement d'abord erroné, la prise en main est efficace et je prends mes aises relativement rapidement alors qu'on s'élance sur l'autoroute. Notre premier arrêt sera un plancher de verre avec vue sur un ravin d'environ 500 mètres de hauteur. Je peux te dire que la montée jusqu'au stationnement a été particulièrement sinueuse, j'ai tout de suite pensé à Christophe qui a conduit la voiture lors de nos deux derniers voyages ensemble dans des conditions routières similaires et encore moins bien entretenues. Immédiatement arrivé, je lui écris pour lui signifier mon appréciation pour son sacrifice.

Le point de vue à 500 mètres d'altitude est impressionnant : on sert de photographe pour une bande d'amis étrangers et on leur demande une photo de nous en échange.
On aurait pu croire que la marche pour se rendre au point de vue serait longue, mais il n'est en rien: 3 euros de frais d'entrée, des tourniquets, et nous y étions déjà. Le plancher de verre donne une impression de vertige, je te laisse la photo. 
De retour sur le chemin de notre prochain hébergement, on essaie tant bien que mal de suivre les indications du GPS qui nomme au long toutes les rues qui, comme tu peux t'en douter, ont des noms extrêmement longs et composés, typiques de l'espagnol et du portugais. Des choses comme Camino de Santo Gonzalez Pedro de la Averacion Delgada. Le problème avec ça, c'est que j'ai depuis longtemps dépassé la rue sur laquelle je dois tourner lorsque Google Maps a fini de la nommer! Petite misère...

À quelques minutes de notre hébergement, on s'arrête dans un stationnement de restaurant pour traverser l'autoroute à pied (!) et observer le bord de mer et une chute en bordure de route. Jamais de ma vie je n'ai vu d'aussi grosses vagues, cher lecteur. Sans doute, les gens doivent pouvoir y faire du surf (sans regard aux mutiples roches qui jonchent la plage et le fond marin). Encouragé par ma tante aventureuse, on suit l'autoroute à pied en se faisant petits pour emprunter un vieux chemin qui servait autrefois de route en bordure de montagne et ce, malgré les multiples avertissements de chute de roche possible. Au final, on en ressort avec nos têtes intactes et de très belles photos!
Comme d'habitude, elles ne valeront jamais la vraie vue, mais elles feront office de rappels sympathiques, au fil des années.
On reprend la route alors que le soleil tombe pour se rendre à Seixal, notre village de résidence jusqu'à la fin du voyage. Je manque initialement la toute petite sortie à littéralement un mètre de la fin d'un tunnel, donc on doit se revirer dans un petit stationnement à des kilomètres de là. Après quelques autres détours et la gestion de Google Maps qui nous demande de tourner dans un sens unique, on finit par se rendre à destination. Comprendre le fonctionnement des clés et du gros portail à ouvrir pour ranger la voiture dans la cour a été un exercice de résilience là encore, faute d'instructions claires du propriétaire. Mais, cher lecteur... Les exercices de résilience ne faisaient que commencer. En entrant finalement dans la propriété, on est assailli par une forte odeur de renfermé et une humidité frappante. Aucun chauffage, le thermostat indique 15-16 degrés ceclius et une humidité approchant les 90%. Notre premier réflexe est donc de chercher le chauffage: il n'y en a pas! Aucun chauffage centralisé! Pas de calorifère! Ça casse l'ambiance net, surtout après mon effort cognitif de conduite. On remarque une première chaufferette, style camping, qu'on allume dans la cuisine. Puis, à la noirceur, direction la petite épicerie du quartier, car il fallait bien qu'on trouve quelque chose à souper. Définitivement, conduire dans le noir dans des rues larges à peine comme deux voitures (Christophe, je sais, c'est rien comparé au Chili, tu es un dieu), c'est très taxant en termes de concentration. Au moins, l'épicerie a tout ce dont on a besoin, principalement des pâtes et de la sauce tomate, mais aussi de quoi déjeuner pour les prochains jours (croissants, œufs, lait température pièce...). Une fois revenus à la maison, la réalité nous rattrape. C'est tellement froid et humide que mes fesses se mouillent quand je m'assois dans le sofa du salon. On part à la recherche des autres chauffrettes, bien cachées, àa recommandation de notre contact chez Booking.com. Éventuellement, on en trouve trois, et on se console en se disant qu'on pourra au moins chauffer nos chambres et la cuisine.

En branchant la troisième chaufferette, le disjoncteur principal saute. Je peux te dire qu'em termes de coup sur le moral, cher lecteur, il y a difficilement pire. Ma tante et moi repartons l'électricité : on ne chauffera visiblement que nos deux chambres. Bien emmitouflés, on se prépare à souper tout en déplorant le manque de collaboration et d'aide de notre contact chez Booking.com. Sincèrement, ça me donne l'impression que je suis en camping et que j'essaie de survivre une nuit humide où la pluie aurait mouillé le bas de ma tente, et que tant bien que mal je mets tous mes espoirs dans une chaufferette plus ou moins fiable. Je t'épargne le reste de la soirée - c'est sans grande motivation qu'on se couche, au moins, dans des chambres chauffées bien qu'humides.

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